Ce document retrace l’évolution de la situation économique, monétaire et financière de notre pays, la situation du système bancaire ainsi que la gestion de la Banque Centrale des Comores.
La Banque Centrale des Comores, les représentants de la presse comorienne, du secteur bancaire et du secteur privé, se sont réunis le mercredi 04 Aout 2021 à la salle de conférence de la BCC, sous le patronage du Dr Younoussa Imani, Gouverneur de la Banque Centrale des Comores pour une restitution du rapport annuel 2020 de la BCC.
Ce document retrace l’évolution de la situation économique, monétaire et financière de notre pays, la situation du système bancaire ainsi que la gestion de la Banque Centrale des Comores.
Ce document est articulé autour des points ci-dessous :
• Croissance mondiale
L’année 2020 a été marquée par une contraction inédite de l’activité économique mondiale, déclenchée par la pandémie de la Covid-19 qui a mis en difficulté tous les pays du monde entier. L’ampleur de la récession a atteint (-3,3%) après une croissance économique de (+2,8%) en 2019.Cependant, la crise économique a touché différemment les grandes économies du fait de divers facteurs asymétriques entre celles-ci, tels que l’intensité de la pandémie, la capacité de réaction des pouvoirs publics ou encore l’état de leurs structures économiques et sanitaires respectives. Alors que la Chine n’a subi qu’une décélération de sa croissance dont le taux s’affiche à (+2,3%), la plupart de ses pairs ont connu une récession avec un recul significatif de leur PIB : Etats-Unis (-3,5%), Zone euro (-6,6%), Inde (-8%), Japon (-4,8%), Royaume-Uni (-9,9%), Brésil (-4,1%), Russie (-3,1%), etc.
• Activité économique aux Comores
Malgré l’ampleur de la crise sanitaire, l’économie comorienne a enregistré une croissance positive en 2020. Celle-ci est estimée à (+0,2%) contre une projection initiale de 4,4% (après 2% en 2019 et 3,8% en 2018). Cette contre-performance économique est imputable à la récession de l’économie mondiale et aux impacts négatifs sur l’économie des mesures barrières qui étaient indispensables pour sauver des vies humaines et réduire la circulation du virus.
En effet, différentes mesures de prévention contre le coronavirus ont été prises par les autorités nationales, notamment la fermeture des frontières, la limitation du transport inter-îles et interurbain, la restriction de la mobilité de la population, la limitation des horaires de fermeture des marchés, les couvre-feux, etc. Ces mesures ont porté leur fruit en ce sens que contrairement à d’autres pays, la situation pandémique a été mieux maîtrisée aux Comores que dans les autres pays notamment voisins. Jusqu’au 31 juillet 2021, le pays a enregistré 147 décès et 4028 cas positifs cumulés.
Les secteurs économiques les plus touchés par la crise sanitaire sont particulièrement l’hôtellerie, la restauration et les transports. Tout comme l’agroalimentaire et le textile qui ont connu une contraction de la demande liée au ralentissement des activités touristiques et à la suspension des festivités de grand mariage. En revanche, le secteur agricole a été épargné des répercussions négatives de la Covid-19 dans la mesure où la production agricole a enregistré une hausse de (+2,8%) contre (-4,7%) en 2019 suite au passage du cyclone Kenneth.
En ce qui concerne l’évolution des prix à la consommation, l’inflation annuelle moyenne a enregistré un taux modeste de (+0,9%) en 2020 après un pic inhabituel de (+3,7%) observé en 2019 suite au cyclone Kenneth. Elle est donc restée largement contenue dans les normes communautaires et retrouve ainsi son bas niveau historique/des années antérieures. Cette décélération s’explique essentiellement par la baisse des prix des produits locaux notamment les produits « alimentaires » sous l’effet conjugué d’un accroissement de l’offre en produits agricoles et d’une diminution de la demande émanant des hôtels, des restaurants et de la diaspora et dans une certaine mesure du taux de change favorable du Franc comorien par rapport au Dollar US en 2020.Ce résultat est aussi le fruit d’une politique monétaire prudente de la BCC afin de préserver la stabilité de la monnaie et donc le pouvoir d’achat des ménages comoriens.
• Situation des Comptes extérieurs face à la Covid 19
En 2020, les transactions des Comores avec l’extérieur se sont soldées par une réduction du déficit courant à 10,3 milliards FC (2% du PIB) contre 17,9 milliards FC (3,3% du PIB) en 2019. Cette évolution est à mettre en liaison avec la hausse des excédents des comptes de transferts courants (+45%) et de revenus (+2,6%).
En revanche, le déficit du compte de biens s’est creusé de -5,6 milliards FC par rapport à 2019, en raison de la forte baisse des exportations de biens (-46,6%) et de la diminution relativement moindre des importations (-2,5%). Également, le solde du compte des services s’est dégradé de près de -20 milliards FC par rapport à 2019 en raison principalement du faible nombre d’arrivées de touristes (6959 touristes en 2020 contre 45077 en 2019).
Par ailleurs, les entrées de devises aux Comores ont fortement augmenté, passant de 80,3 milliards FC en 2019 à 106,3 milliards FC en 2020. Cette progression de l’ordre de 32,4% est liée à la hausse des transferts d’argent reçus via les sociétés spécialisées. En revanche, les sorties de devises ont diminué de (-8%) pour s’établir à 28,9 milliards FC contre 31,4 milliards FC en 2019, baisse attribuable au repli des achats de devises notamment par les importateurs qui n’ont pas pu se déplacer vers l’étranger en raison de la fermeture des frontières au deuxième trimestre 2020.
Les réserves de changes internationales, toujours importantes, couvrent 10,4 mois d’importations de biens et services en 2020, contre 7,2 mois en 2019.
• Mesures de politique monétaire face à la Covid 19
Pour atténuer les répercussions négatives de cette crise sanitaire sur l’activité économique nationale dans le contexte de la crise de la Covid-19, la BCC a baissé son taux des Réserves Obligatoires. En effet, la BCC a pris des mesures à partir du mois de mars 2020 afin de desserrer les contraintes de liquidité pesant sur le secteur bancaire et de préserver le financement de l’activité économique des Comores (diminution du taux des réserves obligatoires de 15 à 10 %). Les Banques commerciales ont accordé une suspension des remboursements des prêts du secteur privé et des ménages touchés par la crise de la Covid. Près de 2 milliards de crédits ont été ainsi rééchelonnés sans frais et sans agios.
L’application de ces mesures a eu des effets immédiats sur la liquidité bancaire en libérant près de 5 milliards FC de trésorerie pour les établissements de crédit, ce qui a permis aux institutions de dépôts de satisfaire la demande de liquidités de leur clientèle sans puiser dans les réserves obligatoires et de se maintenir en conformité vis-à-vis de la réglementation prudentielle. Le secteur privé quant à lui n’a pas été asphyxié de dettes liées à la Covid 19.
• Situation financière des établissements bancaires face à la Covid 19
La structure du système bancaire comorien n’a pas évolué par rapport à 2019 ; elle comprend toujours 4 Banques, 4 Institutions Financières Décentralisées, 3 intermédiaires financiers et 1 établissement de monnaie électronique. Par contre, l’activité du secteur a progressé malgré la crise, grâce aux mesures prises et à une forte entrée de devises: le total des bilans consolidés des établissements de crédit s’est accru de 9,1% par rapport à décembre 2019, passant de 143,3 milliards FC à 156,4 milliards FC. Cette progression résulte de la hausse des dépôts (+16,2%), elle-même liée à l’accroissement des envois de fonds.
Cependant, pour ce qui est de l’impact de la crise de la Covid-19 sur la solvabilité des établissements bancaires, la pandémie COVID 19 a impacté négativement sur les activités de crédit. La fermeture des frontières, le rééchelonnement des remboursements des crédits bancaires ont occasionné, d’une part, une baisse des crédits bancaires et, d’autre part, une baisse considérable des résultats consolidés de l’ensemble du système bancaire. Ainsi, avec une perte des banques qui s’est accentuée et une rentabilité en repli pour les microfinances, le système bancaire enregistre en décembre 2020 une perte record de -1,4 milliards FC. Une perte qui a considérablement détérioré le niveau des fonds propres (-15%) entre 2019 et 2020.
En ce qui concerne le report d’échéances : Sur 1097 demandes de reports d’échéances recensés au mois de septembre 2020, représentant plus de 2 milliards FC, 962 dossiers ont été acceptés par les établissements de crédits pour une valeur de 1,7 milliards FC, soit un taux de réponse de 87%. Ces demandes concernent en grande partie les salariés du secteur du transport, certains commerçants et les employés des hôtels et restaurants, qui après examens de leurs dossiers par leurs établissements respectifs, ont pu bénéficier de la mesure de report d’échéances sans frais ni pénalités de retards.
S’agissant de l’impact de la crise de la Covid-19 sur la qualité du portefeuille de crédits bancaires, les taux, brut et net, de créances douteuses sont ressortis respectivement à 22% et 8% en 2020 contre 21% et 8% en 2019. Soit une dégradation de la qualité du portefeuille de 1 point de pourcentage par rapport à 2019. Toutefois, ces créances ont été provisionnées à hauteur de 71% en 2020. En effet, au vu de l’évolution du portefeuille de crédit, il semble que la mesure de report d’échéances a malheureusement créé un aléa moral, certains clients non concernés par la mesure de report de paiement ont profité de l’occasion pour ne pas honorer leurs engagements et ce, malgré les mises en garde de la Banque Centrale à ce sujet.
• Situation des finances publiques face à la Covid 19
Des mesures fiscales ont été prises en 2020 dans le contexte de la Covid-19 afin de soutenir les ménages vulnérables, les entreprises et l’économie en général :
Au niveau de la direction des Douanes, un abattement de 30% sur le total des droits et taxes à payer a été appliqué sur les produits alimentaires, les médicaments essentiels et les produits et matériels d’hygiène. Une procédure simplifiée a été observée au niveau de tous les centres de dédouanement qui a permis les importateurs de disposer de leurs marchandises dans un délai ne dépassant pas un jour.
Au niveau de la direction des impôts, la date dépôts des liasses fiscales initialement prévu au 31 mars 2020 a été exceptionnellement reportée jusqu’au 31 mai 2020.Pour le régime forfaitaire, le paiement de la TPU a été échelonné sur 3 mensualités à compter du 31 mai 2020 et ce jusqu’au 30 septembre 2020.
Parallèlement, des réformes ont été adoptées afin d’améliorer la mobilisation des ressources fiscales notamment au niveau de l’administration fiscale et ont permis une consolidation des recettes malgré les mesures d’allègement fiscal citées ci-dessus.
Toutes ces réformes ont permis d’atténuer l’impact de la crise sur les recettes budgétaires (fiscales et non fiscales). Le solde budgétaire global s’est fortement amélioré passant d’un déficit de 13 milliards FC à fin 2019 à un excédent de 1,6 milliards FC à fin 2020. Les recettes budgétaires n’ont diminué que légèrement passant de 50 milliards FC en 2019 à 49,5 milliards FC en 2020 soit une baisse de 1,1%.
Les dons ont augmenté avec le renforcement du soutien des partenaires, s’établissant à 51,5 milliards FC en 2020 contre 39 milliards FC en 2019, soit (+32%). Coté dépenses, les dépenses courantes ont légèrement augmenté passant de 58,1 milliards FC en 2019 à 58,5 milliards FC en 2020 soit (+0,7%). Enfin, les dépenses en capital se sont contractées s’établissant à 40,9 milliards FC en 2020 contre 44 milliards FC en 2019 représentant une baisse de 6,9%.
• Gestion de la Banque Centrale des Comores
En 2020 comme chaque année, la BCC s’est investie pleinement dans sa mission de garant de la stabilité financière nationale tout en poursuivant une politique monétaire prudente dans un contexte de crise mondiale, de pandémie. La BCC a su également maintenir ses réserves de change à un niveau bien au-delà des engagements du pays vis-à-vis de l’extérieur.
Sur le plan interne, la BCC a tout aussi fait preuve d’une gestion rationnelle et rigoureuse de ses ressources. Au-delà de la progression de son bilan (+29,2%) de 123 milliards FC en 2019 à 159 milliards FC en 2020, force est de mentionner la nette augmentation du résultat de l’exercice 2020 (+80,6%), lequel s’élève à 873 millions FC au 31 décembre contre 483 millions FC à fin 2019.
Par ailleurs, la BCC a rénové son système de gestion de tri de ses billets de banque en passant d’un TRI manuel à un TRI automatisé. De même pour la destruction des billets usagers, elle passera bientôt d’un système d’incinération à un système de broyage de ses billets.
Les grands chantiers de la BCC pour les prochaines années sont les suivants :
- Inclusion financière, modernisation du système de paiement et digitalisation,
- Création et développement d’un marché interbancaire,
- Mise en place d’un marché des titres financiers, notamment les Bons de trésor,
- Mobilisation de l’épargne comorienne de la Diaspora à travers la bibancarisation.
Au cours de ces dernières années, notre pays a réalisé beaucoup d’avancées importantes notamment en matière de Lutte contre le Blanchiment des Capitaux et le Financement du Terrorisme (LBC/FT). En effet l’Union des Comores a été félicitée par le Groupe Intergouvernemental d’Action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) lors de sa Plénière qui a eu lieu du 16 au 21 Mai 2021 pour les progrès significatifs réalisés dans le cadre de la mise en œuvre de certaines recommandations et de son plan d’action.
A cet effet, l’Union des Comores a été retirée du processus de suivi renforcé et placée dans celui du suivi régulier (normal). Par la suite la sortie du pays du processus de suivi sera prochainement soumise à l’approbation de la plénière en aout 2021 afin de préparer son évaluation mutuelle de 2e cycle prévue en Aout/Septembre 2022.
Pour ce qui est du climat des affaires, notre pays a connu une progression dans le classement Doing Business 2020 par rapport au classement 2019. En effet, en termes d’évolution du climat des affaires, l’Union des Comores est classée au 160ème rang mondial (35ème rang au niveau de l’Afrique) dans le rapport Doing Business 2020.
Le pays a ainsi gagné 4 places par rapport à 2019 dans le classement (3 places au niveau de l’Afrique). Cette progression est le fruit de l’ensemble des réformes engagées ces dernières années dans plusieurs indicateurs notamment la création d’entreprise, le raccordement à l’électricité, l’obtention d’un permis de construire et le transfert de propriété. Depuis 2020 beaucoup de ces réformes ont été retardées par la crise de la Covid 19 mais la BCC demeure convaincue que l’'accélération de la vaccination est essentielle à la reprise économique.
La croissance de 2021 et celle de 2022 dépendront largement de la proportion de la population comorienne vaccinée mais aussi de l’évolution de la pandémie à travers le monde.